« T’étais qui, toi ? » est une nouvelle collection de livres d’histoire pour les enfants dès 9 ans publiée chez Actes Sud Junior. L’écrivain Vincent Cuvellier* passionné par l’histoire est à l’initiative de cette collection de biographies historiques. Des personnages connus ou pas, sympathiques ou pas, mais avant tout humains sont présentés par des écrivains d’aujourd’hui. Les trois premiers titres de la collection, sortis ce mois de février, présentent Charles de Gaulle, Agrippine la Jeune et Léonard de Vinci. D’où est née cette envie de parler de l’histoire et des personnages ?
Quand j’étais gamin, j’adorais l’histoire mais j’étais mauvais à l’école. (Ce sont beaucoup les BD ou le cinéma qui m’ont fait aimer l’histoire). La collection est née de cela. A savoir comment parler de l’histoire de manière simple, de manière drôle et comment essayer de démystifier tout cela. La collection s’articule autour de personnages présentés par des écrivains. Ce sont surtout les partis pris qui sont importants.– Quels sont-ils ?
Le premier c’est que les ouvrages sont écrits par des écrivains et non par des historiens (chaque texte est néanmoins relu par un historien). Je fais appel à des écrivains qui ont un style, un ton et une œuvre derrière eux.
Le deuxième, c’est que l’enfance, si elle n’est pas le sujet du livre, en représente le socle. J’aime bien aussi qu’on prenne un angle décalé au début du bouquin. Par exemple pour l’ouvrage que j’ai écrit sur de Gaulle, j’ai choisi de rappeler l’anecdote sur son nom. En 1940, pour les gens qui ne connaissaient pas de Gaulle, son nom leur faisait penser à la Gaule.
Enfin, je voulais que les ouvrages soient illustrés par des dessins d’humour, le plus proche possible du dessin de presse pour les enfants. Pour moi, les illustrations sont les Auguste du cirque tandis que le texte représente le clown blanc.
Et le point important parmi tous : pas de tabou ! On doit parler de tout aux enfants, mais avec le ton, la manière et si possible l’humour.
Je rebondis sur le premier ouvrage de la collection, celui que vous avez écrit sur Charles De Gaulle. Comment avez-vous procédé ?
J’ai écrit ce premier ouvrage pour montrer le ton et ce que j’avais envie de faire à travers cette collection. J’avais lu énormément de bouquins sur le personnage, j’ai vu des documentaires et j’ai entendu des avis contraires sur lui. Et c’est un peu un condensé de tout cela. Nous sommes bien dans la vulgarisation pour enfants. Comment parler de personnages complexes avec des mots simples.
– Pourquoi Charles de Gaulle ?
Pour moi, De Gaulle, c’était une évidence. C’est un personnage qui m’amuse et me fascine depuis longtemps. Je le trouve aussi impressionnant que ridicule. Chez lui, les deux cotés s’équilibrent. C’est un personnage très graphique et très littéraire. Il a une dimension un peu épique.
Ce titre fait suite à plusieurs livres que j’ai écrits autour de la seconde guerre mondiale, notamment l’album « L’histoire de Clara » (Gallimard Jeunesse, collection « Giboulées »), ou « Ici Londres ! » au rouergue avec Anne Herbauts. J’ai également écrit « le temps des marguerite » où deux petites filles échangent leur époque : 1910 et 2010. Le rapport à l’histoire est donc quelque chose d’important pour moi depuis longtemps.
C’était très important pour moi de vulgariser tout ce qui s’était passé pendant la seconde guerre mondiale, la Shoah, la Résistance, la collaboration. Après la proposition de Nicolas Sarkozy de faire parrainer des enfants victimes de la Shoah par des écoliers français de CM2, j’avais vraiment réfléchi à la manière de parler de la guerre aux enfants. L’album d’abord et la collection ensuite sont nés de cette réflexion. A savoir : comment en dehors du cadre scolaire parler aux enfants des périodes un peu exceptionnelles de l’histoire, de personnages qui ont fait des choix positifs et négatifs. La collection est pour moi une collection d’anciens cancres! Comment se cultiver quand on est pas tout à fait à l’aise dans le cadre scolaire !
mon avis (barbara)
Personnellement, j’ai lu STALINE le numéro 6 de la collection. Les illustrations en ROUGE ET NOIRE sont superbes, le texte vivant et plein d’humour. OUI!OUI! Cela l n’empêche pas les enfants appréhender le monstre Staline.
Le 6° livre de la collection « t’étais qui, toi? », j’en suis pas peu fier… en fait, il symbolise ce que j’ai envie avec cette collection: parler de tout sans tabou… en effet, on se rend pas compte, mais parler de staline (ou d’autres) aux enfants, c’est pas facile, et c’est pas courant… moi, j’en avais un peu marre de tous ces portraits de nelson mandela ou gandhi ou martin luther king, montrés en exemples un peu édifiants à l’usage de la moralité de nos petits… et pourquoi on ne parlerait pas aussi des dictateurs, des tyrans? on apprend autant à savoir comment staline, hitler ou d’autres, sont devenus ce qu’ils sont devenus…
Au début, c’est irène cohen janca, écrivain entre autres de « l’étoile de kostia » au rouergue qui m’a dit, comme je lui parlais de mon projet de collec: « Oh, je me paierai bien staline, moi… »
Comme j’envisageais cette collection en rupture par rapport à ce qui existait dans le domaine, je me suis dit que ça allait tout à fait dans mes intentions. Comment parler, comment raconter Staline à des mômes de 9-10 ans? à mon avis, parler simplement, franchement, clairement, sans rien lui cacher, mais sans non plus le traumatiser, tant qu’à faire. Mais rien éluder… c’est ce qu’a fait irène, avec fougue. Et après, on a fait appel à Guillaume Long, qui a incroyablement bien réussi à rendre humain le personnage sans le rendre attachant. Exactement ce que je voulais. L’autre jour, quelqu’un me disait que ça faisait trop charlie hebdo et que les gamins n’accrocheraient pas à ce style… c’est exactement ce qu’on veut essayer de faire, avec actes sud et les auteurs, créer avec les dessins, un second degré fort, comme il en existe dans le dessin de presse… franchement, ça va leur changer de tous ces trucs hagiographiques… de toutes façons, depuis des années, j’ai l’obsession de ne pas prendre les gamins pour des idiots… c’est l’occasion de voir si ça marche dans le domaine historique aussi… |